Les jours passaient… Je m’abandonnais à mon triste sort. Je m’enfermais dans ma demeure obscure et je ne sortais plus. Si je mettais les pieds dehors c’était dans le seul but de me rendre dans ce café, qui me permit d’espérer, qui redonna des palpitations à mon cœur malade. Dans un café sur la grande avenue, au centre ville de Sydney, où je m’étais aventuré, s’était produit un miracle. J’avais revu ma femme, morte un moi auparavant dans un incendie accidentel. Vous comprenez à présent pourquoi je me rends tous les jours à des heures variées dans ce lieu béni qui m’a redonné ma vie l’instant de quelques secondes. Depuis cette aventure, je ne l’ai plus jamais aperçue, fruit de mon imagination, elle ne doit pas exister. Mais quoiqu’il arrive, je persisterai à m’y rendre car il est aisé pour un homme de se projeter sa femme aimé et sans vous mentir, ces visions me procurent du bonheur, un bien fou. Je ne suis pas sociable. Non, je ne suis pas venue en Australie pour me faire des amis ni même pour remplacer Lullaby, il en est hors de question. Je suis venu ici, loin de tous, pour périr dans mon sinistre habitat.
Aujourd’hui nous sommes un dimanche, le vingt sept décembre, deux jours se sont écoulés depuis Noël, que je n’ai d’ailleurs pas fêté. J’ai supprimé toutes les fêtes et célébrations de ma culture, devenu un solitaire incompris, j’ai tout laissé tomber. Je ne veux pas m’encombrer de ce genre de problèmes et sans vous mentir, il est dur de célébrer un évènement seul.
A neuf heures, je m’étais laissé pourrir dans mon lit, comme toutes mes journées du dimanche. Mes paupières se refermaient rapidement, et je me replongeais dans les cauchemars qui me hantent depuis la perte de mon fils.
A onze heures, je me réveillais à nouveau. Mes membres endolories refusaient de m’obéir, j’étais figé, scotché au martela, aucun moyen d’en sortir. Mes yeux s’emportèrent puis je me rendormi.
A treize heures, mon estomac criait famine mais mes yeux n’étaient pas coordonnés. A part manger rien ne me poussait à me lever. Alors je rêvai.
« Mon amour, nous allons avoir un enfant. » Des étoiles lui sortaient des yeux, elle avait le visage étincelant, ses yeux pétillaient. C’était incroyable, Logan était auprès d’elle, il lui tenait la main. De son coté Lullaby la lui serra de toutes ses forces, comme pour faire passer les pulsions qui la détruisait. Elle était allongée sur le lit, les sages-femmes s’apprêtaient à extraire le petit. Un pur moment de bonheur…
A quinze heures, je repris connaissance en sursautant. Les cauchemars étaient-ils partis ? Ce rêve fut sublime. Hélas, il ne dura pas éternellement. A cet instant j’étais en forme, bien parti pour me lever. D’un élan poussé je me sorti du lit. C’était à peine si je tenais sur mes béquilles. A mon levé, j’enfilai aussitôt tout le nécessaire pour être couvert, je pris une cigarette. La minute suivante, j’étais dehors, sur la terrasse de mon jardin en train d’admirer l’incroyable silence des alentours. J’allumai ma cigarette, et c’est à cet instant que j’assistai à une scène mémorable. J’ai toujours eu le don de parler trop vite. J’étais le seul à observer cet action inattendue, qui se déroulait dans le jardin d’en face. Une femme, blonde plutôt fine, sautait d’une fenêtre de la villa voisine. Elle portait à bout de bras ses vêtements, ses petites chaussures à talons aiguilles. La scène était remarquable.
Avant tout je vis des vêtements et chaussures tomber de la fenêtre. Intrigué, j’observai d’avantage, puis je vis une femme tout d’abord hésiter à sauter. Après s’être fait maintes frayeurs, elle sauta en fermant les yeux. Elle ne laissa échapper aucun bruit. Elle était nu, totalement dénudé. Je ne me rinçais pas l’œil, loin de là, mais je vous avoue qu’elle réussit presque à me faire sourire. Sachant qu’une foi arrivée à terre, sans doute paniquée, elle longea à deux reprises les murs de la villa avant de se rendre compte qu’il n’y avait aucune d’issus. C’est alors que je la vis s’arrêta et balayer l’horizon à la recherche d’une sortie. A cet instant elle me vit, je la regardais toujours. Elle fit un grand sourire et un signe de la main. Ses genoux étaient collés ensembles et ses cuisses étaient serrées comme jamais.
Je ne sais pas ce que j’aurai fait à sa place ; Je n’arrive pas à m’y mettre. Mais que fait-elle ? Elle vient chez moi ? Je la vois escalader le grillage du fond. Le seul et unique problème auquel elle n’a probablement pas pensée, c’est que toutes les villas à Balmoral Beach ont la même structure. Le jardin de derrière n’est pas relié au jardin face à la rue. C’est un système de sécurité pour éviter les intrusions. Alors va-t-elle pénétrer chez moi ? Je crois qu’elle n’a pas le choix et qu’elle ne me le laisse pas non. Bon, je la laisse se rhabiller puis faire le tour de mon jardin deux ou trois fois avant de lui expliquer que le seul moyen de sortir est de passer par l’intérieur…